Ecrire au feeling ou à la réflexion ?

L’écriture spontanée apporte-t-elle plus de satisfaction que l’écriture structurée ?

La communauté de l’écriture créative semble partagée en deux clans : D’un côté les défenseurs d’une écriture purement intuitive, une écriture qui naîtrait « au fil de la plume » et permettrait plus de spontanéité et d’authenticité. De l’autre, les planificateurs, qui prennent le temps de construire des univers et des intrigues dans le détail avant de commencer l’écriture, une stratégie qui leur permettrait d’échapper aux déconvenues d’une écriture aléatoire, livrée au bon vouloir de l’inspiration. Dans l’industrie audiovisuelle, aucune histoire n’est écrite sans passer d’abord par de longues phases de construction, très structurées, parce que ces phases rassurent les producteurs et le diffuseurs, en leur garantissant que les histoires avancent dans la bonne direction et en offrant des étapes de validation régulières qui leur permette de s’adapter (en général en changeant d’auteur) en cours de route si besoin. La planification offre la (presque) garantie d’une production constante dans sa qualité comme dans son respect des échéances. Dans les milieux de la littérature artistique reste l’idée qu’un auteur est le jouet d’une muse, d’une inspiration semi divine et qu’il doit briser les conventions, réinventer l’art narratif et se laisser porter par les courants de son écriture. De plus en plus, cependant, les spécialistes de l’écriture professent que les meilleurs résultats naissent à mi-chemin de ces deux extrêmes, dans une harmonie entre intuition et rationalisation, entre art pur et technique pure. Ce qui m’intéresse aujourd’hui c’est de savoir où l’auteur peut trouver le plus grand bonheur dans sa pratique.

Plaisir d’écrire ou bonheur d’écrire

flow et écriture
Lorsque vous êtes inspirés, les idées coulent en vous à toute allure
La culture du flow, cet état d’alignement parfait dans lequel l’auteur semble se réaliser à un niveau presque métaphysique, repose sur le plaisir. Lorsque vous êtes inspiré, vous ne vous posez plus de question, vous êtes détendu, absorbé, absent au monde. C’est une des expériences les plus extatiques qui soient, une sorte de transe méditative libératrice vers laquelle vous revenez incessamment. Quand vous sortez de cet état, il vous manque, vous aspirez à en faire l’expérience à nouveau et revenez à votre page dans l’espoir de l’y retrouver. Dans ce cadre, l’écriture se suffit à elle-même et vous pourriez écrire chaque jour sur une histoire différente. Tant que l’inspiration est là, vous serez satisfait. Lorsqu’il n’y est pas, vous peinez, l’écriture devient plus laborieuse, plus consciente d’elle-même, vous voyez les défauts au moment où ils surgissent sur la page, vous réalisez qu’écrire est un travail, le plaisir n’est plus au rendez-vous. Les défenseurs de l’écriture intuitive sont principalement les défenseurs de ce plaisir. A l’opposé, même si l’auteur tire un certain plaisir du travail de construction, celui-ci est beaucoup plus distancié et réfléchi, beaucoup plus technique. Lorsque vous construisez une intrigue, l’inspiration est agréable mais pas nécessaire. Vous ne travaillez pas à la structure pour elle-même mais parce qu’elle vous permettra d’écrire le livre. De l’achèvement d’un projet long et difficile vient une satisfaction que je tiens pour plus profonde et plus durable que le simple plaisir de l’écriture inspirée. Pour écrire un roman, ou une série de nouvelles, vous avez dû lutter contre vos doutes, contre les obstacles qui se sont dressés entre vous et votre écriture. Vous avez grandi à travers cette expérience et vous avez enrichi votre vie et votre mémoire de nouveaux souvenirs qui contribueront à vous définir. L’écriture structurée vous permet de garantir que vous arriverez au bout de votre projet là où l’écriture inspirée est tributaire du bon vouloir des Muses (et d’une multitude de micro facteurs sur lesquels vous avez peu voire pas de pouvoir).

Ecrire est un plaisir mais avoir écrit est un bonheur.

La simple transe qui accompagne l’écriture est une source de plaisir inépuisable. Être plongé dans ce flot de pensée et d’imagination, naviguer dans son propre inconscient et sentir les mots transiter en ligne direct des profondeurs de notre être vers l’écran ou la page est en soi une expérience satisfaisante, comme un bon repas ou une bonne partie de sexe. Mais ce plaisir se dissipe vite. Une fois revenu au réel il ne reste qu’un vague souvenir de l’expérience et une intense frustration face au fait qu’elle soit achevée. Ne vaut-il pas mieux rechercher le bonheur profond qui vient de l’achèvement des projets que l’on entame et accueillir l’inspiration à bras ouvert quand elle se présente… sans dépendre d’elle ? Pour y parvenir, votre écriture doit devenir intentionnelle, c’est-à-dire que vous devez décider consciemment des projets que vous souhaitez écrire et construire autour de ces projets une habitude d’écrire, une pratique consciente et renouvelée orientée vers la finalisation de votre projet. Ecrivez tous les jours jusqu’à ce que le projet soit achevé et vous augmenterez vos chances d’être heureux en écriture.

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