Tout le monde ne jure que par le roman. Le roman-ci, le roman-ça, « quand j’aurai écrit un roman, je serai un vrai auteur ». Je ne suis pas immunisé contre cette croyance, que le roman a quelque chose de plus profond, presque de plus noble. Peut-être parce qu’il permet de côtoyer plus longtemps ses personnages, de se rapprocher d’une compréhension plus intime d’eux et des événements. Peut-être simplement par habitude.
Alors beaucoup d’auteurs (et de lecteurs) regardent la nouvelle avec dédain, ils raillent la forme courte, ne s’intéressent à elle que comme on s’intéresse à un passage obligé, à un exercice sur la route de son apprentissage.
La nouvelle est beaucoup plus versatile qu’il n’y paraît. Elle peut même, si tel est votre souhait, rendre l’écriture de vos romans plus facile.
Les 4 et 5 Mars prochains je vous accueille dans un stage d’écriture de nouvelles pour vous aider à développer les habitudes qui vous aideront à écrire avec davantage de fluidité et vous inviteront à penser la nouvelle comme la première étape d’une œuvre plus vaste.
La nouvelle n’est pas un roman en miniature
Avant tout chose, la nouvelle n’est pas un petit roman. On n’entre pas dans l’écriture d’un format court comme dans un format long. Là où le roman peut se permettre de s’attarder, la nouvelle vise l’efficience, peu de mots pour le maximum d’effets. C’est une école du cisèlement, du mot choisi, où le nécessaire l’emporte sur le superflu.
La nouvelle vous apprend à cerner votre sujet avec précision. La nouvelle, parce qu’elle est courte, ne pardonne pas l’approximation, elle force son auteur à filtrer ses idées sans complaisance, elle le contraint à l’épure structurelle et narrative. La nouvelle file droit au but, même si sa narration est contemplative, lente, elle l’est avec efficacité.
Pensez-y une seconde: préférez-vous commencer l’écriture de votre roman avec une écriture aiguisée par la pratique répétée de l’intégralité du processus (idée, exécution, finalisation, publication) ou avec une écriture balbutiante, encore en quête d’elle-même, souvent trop chargée parce qu’elle n’a pas été assez souvent confrontée à la nécessité de rendre intelligible, de clarifier ses intentions et de concentrer sa forme ?
La nouvelle aiguise votre écriture, non parce que sa brièveté interdit les digressions mais parce qu’elle vous permet d’aller au bout, à la fin du travail, rapidement et à plusieurs reprises. Je me répète mais c’est le message le plus important que j’ai pour vous: la qualité nait de la quantité. Plus vous finirez de textes plus vous en apprendrez sur votre écriture (à condition de le faire en conscience).
Votre identité d’auteur, votre méthodologie personnelle, votre style, vos histoires fétiches, tout cela devient apparent à force d’écrire. Vous pouvez émettre des hypothèses, présager de qui vous êtes, imaginer ce que vous voulez écrire ; vous ne le saurez qu’une fois que vous l’aurez fait.
Écrire des nouvelles vous permet de rencontrer vos préférences dramatiques, la musique de votre écriture (mélodie et rythme), les archétypes récurrents de vos textes ; et chacune de ces rencontres contribue à vous construire en tant qu’auteur. Il y a quelque chose de concret à pouvoir étaler devant vous les livres (scénarios, BD, albums de chansons, jeux vidéos, articles…) que vous avez produits et que vous pouvez les relire. Alors seulement pouvez-vous dire: voilà l’auteur que je suis.
La nouvelle est un raccourci vers votre devenir auteur.
Elle est aussi un excellent moyen d’écrire un roman sans en avoir l’air.
Un roman peut être vu de plusieurs façons. L’une de celles-ci consiste à le découper en plusieurs unités dramatiques (les chapitres, si vous voulez) qui, chacun, raconte sa propre petite histoire. Avec un tout petit ajustement quant à la construction de la nouvelle, vous pouvez tout à fait écrire un roman comme vous écririez un recueil de nouvelles.
Imaginons un instant que vous racontiez une enquête policière. Votre enquête visite plusieurs lieux qui, chacun, renferme différents indices et témoins. Chaque lieu propose une ambiance et des personnages et des actions qui lui sont propres. Racontez le passage de l’enquêteur dans ce lieu comme si c’était une histoire à part entière. Vous lui donnerez ainsi du rythme, de la diversité, de la couleur. Ironiquement, vous le ferez avec plus d’attention que si vous vous dites, en écrivant ce passage, « je suis en train d’écrire un roman », parce que vous dire « je suis en train d’écrire un roman » revient à ne pas être dans l’instant de la scène.
Cela vous distrait. Vous réfléchissez à la suite, vous réfléchissez à ce que vous avez écrit avant, vous n’êtes pas ici et maintenant, avec vos personnages, dans ce décor, en train de raconter les actions précises qui sont requises à cet instant de l’histoire. En divisant votre roman en plusieurs unités plus restreintes, vous soulagez votre attention.
Venez en faire l’expérience pendant le stage que j’anime les 4 et 5 Mars prochains: https://anaelverdier.thrivecart.com/stage-nouvelles/
Témoignage
Quand je me suis inscrite à la formation d’Anaël Verdier, je pensais gagner des techniques qui me faciliteraient l’écriture des nouvelles et amélioreraient ma connaissance du genre. Ce que j’ai gagné a largement dépassé mes attentes ! J’y ai découvert (car c’était ma première formation avec lui), une masterclass de qualité sur la construction d’une nouvelle, des secrets et astuces d’auteur expérimenté pour un bon scénario, des conseils personnalisés, une lumière sur mes forces, et un regard sur les fragilités et points à améliorer. Le bonus inattendu est que j’ai pu mettre en pratique et avancer sur la nouvelle sur laquelle je travaillais depuis deux semaines. Anaël est un excellent formateur, rigoureux et bienveillant, vif d’esprit, et cette formation m’a fortement plu !
Marianne
Comment écrire une nouvelle
Il y a quatre jalons à poser avant d’écrire une nouvelle. Les poser vous donne le cadre qui vous permettra d’aller au bout et vous assure que vous ne lâcherez pas en cours de route, parce que vous saurez pourquoi vous écrivez le texte et où il va. Croyez-en mon expérience: chaque fois qu’un auteur ne prend pas le temps de poser ses intentions consciemment avant d’écrire, il se tire une balle dans le pied.
Le sujet
Sur quoi écrivez-vous ? Dans Recharger? je parle de la crise de l’eau ; dans Qui a encore le temps de tomber amoureux ?, de l’obsession romantique ; dans Slack, je parle de l’esprit libertaire qui sous-tendait l’idéologie pirate aux XVIIe et XVIIIe siècles.
Le sujet que vous choisissez doit être assez concret. Il peut s’agir d’un univers (les pirates) ou d’un sujet de société (la crise de l’eau) ou d’un aspect de la vie (l’obsession romantique). Ce sera le fil rouge de votre récit, la ligne que vous suivrez du début à la fin et à chaque étape du milieu. C’est votre capacité à suivre cette ligne qui donnera la première couche de cohérence à votre histoire.
Le personnage
Votre sujet est vécu, pas compris ni perçu par le un personnage qui lui donne une teinte et un éclairage singuliers. D’un sujet généraliste, vous passez à ce que vit un individu en lien avec ce sujet. Que ressent-il·elle ? Comment l’exprime-t-il·elle ?
C’est la chair, la vie, la vibration de l’histoire. Le personnage c’est ce qui distingue l’essai de la fiction, le constat journalistique de l’émoi fictionnel. Votre histoire c’est d’abord l’histoire de quelqu’un.
Quand je vous demanderai « qui est votre protagoniste ? », répondez-moi comment il·elle ressent les événements.
L’intrigue
Un personnage tout seul ça n’est pas suffisant, il faut qu’il lui arrive quelque chose. L’intrigue c’est une série d’événements qui permet au personnage d’évoluer, de se questionner, qui le malmène, le met dans des situations délicates qui viennent bousculer ses valeurs et l’obligent à se positionner et à s’affirmer.
Que se passe-t-il dans votre histoire ? Restez simple. Trois ou quatre événements majeurs suffisent pour une nouvelle courte. Chacun de ces événements donnera lieu à une séquence composée de plusieurs scènes (lieu, temps, action différents).
Veillez à ce que les différents événements posent une question et mènent à une réponse.
La thématique
C’est le sens caché de votre histoire. Quand je parle de la crise de l’eau en fait ce qui m’intéresse c’est de parler du poids écrasant des corporations sur les individus ; quand j’écris sur l’obsession amoureuse je parle surtout d’engagement artistique ; quand je raconte les aventures d’un pirate je dis que les contretemps de la vie sont des opportunités pour vivre mieux, avec plus d’intensité et d’euphorie.
Que dit votre nouvelle sur le monde ? Quel point de vue incarne-t-elle ?
La thématique est souvent dissociée du sujet. C’est l’aspect universel de votre histoire. Vous pourriez la retrouver dans un autre contexte avec d’autres personnages, ce qui n’est pas le cas des autres éléments de votre nouvelle.
Quand vous aurez défini (en quelques mots) ces quatre points, prenez la première des situations de l’intrigue, demandez-vous où cela se passe, jetez votre personnage dans la scène et laissez-le agir.
Répétez jusqu’à la fin.
Puis réécrivez.
Voilà. C’est aussi simple que cela. Votre principale difficulté sera d’oser aller assez loin, d’oser pousser vos personnages dans leurs retranchements, d’oser malmener sujet et thématique, d’oser étirer vos intrigues au maximum de leur potentiel.
C’est sur ces aspects-là que nous nous contrerons pendant le stage. Quand vous vous inscrivez, vous recevez la théorie. Par petits bouts. Avec des exemples. Étudiez la théorie, posez les bases de votre texte. Si vous arrivez en ayant déjà écrit, vous apprendrez à partir de vos expérience et apprendrez à réécrire.
Si vous arrivez en n’ayant rien écrit, vous apprendrez à faire vos choix comme un saut dans le vide, et je vous fournirai le parachute.
Le stage a lieu le samedi 4 et le dimanche 5 Mars, et accueille un maximum de 6 auteurs : https://anaelverdier.thrivecart.com/stage-nouvelles/.
Pourquoi venir au stage alors que vous avez toute la technique dans cet article ?
Parce que c’est un moment de plaisir, de partager votre désir d’écrire avec d’autres auteurs. Ce n’est pas fréquent, même lorsque vous êtes déjà un auteur reconnu et installé dans le milieu, de fréquenter d’autres auteurs et de proposer vos idées à leur regard. Pour un auteur, parler d’écriture est un plaisir rare et précieux, comme un bon vin que l’on garde pour le partager avec ses meilleurs amis.
Ensuite parce que ce partage vous fera grandir. Les questions que les autres auteurs vous poseront, les remarques qu’ils vous feront, interrogeront vos choix et vous permettront de les consolider ou de les modifier en conscience. Et mon regard d’expert sur vos histoires vous donnera des pistes de développement que vous n’aviez pas encore imaginées.
Enfin parce que la technique n’est pas la partie difficile, la partie difficile c’est de faire confiance à vos choix, de savoir quels événements mettre à quel endroit, d’oser pousser l’histoire vers sont plus grand potentiel, d’oser imaginer en grand et laisser résonner toute la puissance émotionnelle de votre récit.
Les aspects pratiques du stage
Le stage se déroulera à distance, via Zoom, de 13h à 19h le samedi `4 Mars et le dimanche 5 Mars.
Le tarif de l’inscription est de 180€ pour les deux jours et vous pouvez vous inscrire à cette adresse:
https://anaelverdier.thrivecart.com/stage-nouvelles/
Pensez à long terme
Ce que vous apprendrez pendant le stage vous sera utile pour chacun des textes que vous écrirez à l’avenir. Donnez-vous comme objectif de publier six nouvelles par an et remboursez votre investissement en en parlant autour de vous.
Plus important, écrivez six nouvelles situées dans le même univers, tournant autour des mêmes personnages et du même genre d’intrigue, et vous aurez les prémisses d’un roman sans jamais avoir eu l’impression d’écrire un roman.
Disons que vous écriviez du policier : 6 enquêtes s’avèrent désigner le même coupable alors qu’elles semblaient détachées les unes des autres.
Si vous écrivez de la romance : 6 histoires de cœur indépendantes mises bout à bout dessinent la biographie amoureuse d’un personnage.
Répétez l’exercice pour la fiction historique, la science-fiction, la fantasy, le fantastique, le merveilleux, le thriller…
Allez-y, imaginez quel point commun doivent avoir six textes, dans l’un de ces genres, pour composer une histoire commune.
Quel que soit votre univers, vous pouvez, avec une petite dose de créativité et en vous posant les bonnes questions, transformer une série de nouvelles en un roman.
Vous ajouterez du liant, des textes en interstice pour unir les nouvelles et renforcer l’illusion. Vous pourrez même envoyer ce roman à un éditeur si vous avez envie de le faire.
Autrement dit : écrivez six nouvelles, remboursez votre stage, et écrivez votre premier roman (ou le cinquième).
Pour voir cela, vous devez passer d’une vision à court terme (« j’écris une histoire courte ») à une vision à long terme (« j’écris des histoires courtes avec un fil directeur »). C’est un entraînement pour votre carrière d’auteur, savoir penser à l’ici et maintenant et l’inscrire dans une globalité plus vaste, penser à la scène et au roman, à la nouvelle que vous écrivez maintenant et au recueil dans lequel elle s’inscrit. De cela aussi nous parlerons pendant le stage.