Mener ses histoires à bien sans faire du remplissage

Vous connaissez cette sensation : vous suivez votre idée, vous développez vos personnages et arrive un moment où vous vous lassez. Vous avez l’impression d’ajouter des péripéties pour ajouter des péripéties.

Cette impression de faire du remplissage vient d’un problème simple mais pas toujours facile à régler : Vous avez perdu le fil.

Une histoire, c’est un fil conducteur : les actions suivent une logique. Votre personnage cherche à régler un problème mais le problème ne cesse d’amplifier ou de se déplacer et en plus, ses enjeux augmentent.

Le personnage est donc sans cesse aux prises avec un problème plus inextricable et plus important à résoudre.

C’est ce qui donne des péripéties intéressantes — pour le lecteur mais d’abord pour vous, l’auteur.

Lorsque les événements de l’histoire n’amplifient pas le problème ou ne changent pas son importance, c’est là que vous avez des péripéties de remplissage. Elles changent l’histoire seulement à la marge et vous sentez bien qu’elles sont dispensables.

La solution : revenir au problème.

Sur le papier, c’est simple. La réalisation est plus difficile.

Parce que votre histoire est un système complexe de personnages, d’intrigues secondaires, d’atmosphère, d’émotions… et qu’il n’est pas toujours facile de distinguer l’essentiel du superflu.

Parce que vous êtes en empathie avec votre personnage et que les émotions vives qu’il traverse, vous les traversez aussi. Ça n’est pas toujours confortable et vous pouvez sentir que vous esquivez cet inconfort.

Parce que vous ne savez pas quoi faire de ça (augmenter le problème, ok. Rester sur le fil, ok. Mais comment ?) et que votre cerveau déteste ne pas savoir. Il a envie d’avoir les réponses là, maintenant, tout de suite, quitte à donner des réponses bidon si ça lui évite l’effort de se poser les vraies questions.

Les questions qui aident

Toutes les questions qui vous recentrent sur le personnage, ses motivations, ses valeurs et ses enjeux sont des questions qui aident.

Les questions en lien avec la transformation du personnage (une histoire est toujours une opportunité pour les personnages d’être changé par les événements qu’ils traversent) sont des questions qui aident.

Les questions en lien avec votre plaisir d’écriture (avec cette nuance qu’elles doivent être reliées à l’intrigue) sont des questions qui aident.

Exemples de questions

  • Que veut votre personnage ? Quelle est la motivation derrière ce désir ?
  • Pourquoi est-ce important pour lui ? Qu’y a-t-il d’autre d’important dans sa vie ? (Racontez des scènes qui mettent en conflit les réponses à ces deux questions)
  • Quelle décision impossible à prendre l’histoire l’oblige-t-elle à prendre ? (pensez désir paradoxal, pensez Choix de Sophie, pensez à ce tiraillement qu’il porte depuis des années et qui l’empêche d’avancer…)
  • Quelle situation, dans le contexte de l’histoire, serait la pire à vivre pour le personnage ? (Faites en sorte qu’il la vive)
  • Comment le personnage est-il différent à la fin de l’histoire de ce qu’il était au début ? Quels événements doit-il traverser pour que cette transformation ait lieu ? (NB : ça peut être une transformation marginale) Montrez-nous ces événements.
  • Qu’est-ce qui vous éclate quand vous pensez à cette histoire ? Quelles scènes, quelles situations, avez-vous vraiment envie de raconter ? Que disent-elles du sens de votre histoire ?
  • Quel est l’événement extraordinaire qui a fait irruption dans l’ordinaire de votre personnage ? (NB: ça peut être très banal, ce qui compte c’est la rupture dans la routine. Croiser son ex alors qu’on se promène au marché est une irruption de l’extraordinaire autant que l’arrivée d’une météorite — le fond est le même, c’est l’intensité du contraste qui varie) Que doit faire ou vivre le personnage pour revenir à l’ordinaire ? Quelles sont toutes les façons dont cette irruption de l’extraordinaire perturbe sa vie ? (Attention ici à ne pas tomber dans un simple inventaire, veillez à ce que les enjeux augmentent)
  • etc.

Le but de ces questions est de vous guider vers l’effort créatif qui consiste à trouver des réponses intéressantes et pertinentes.

Acceptez de ne pas savoir

L’obstacle le plus commun à la construction d’une histoire, c’est l’impatience.

Nos cerveaux n’aiment pas l’incertitude, ils n’aiment pas les questions ouvertes. Ils veulent des réponses, là, tout de suite, et si possible avant même d’avoir une question.

Apprenez à rester avec vos questions le temps qu’il faut pour que des réponses émergent. Cela signifie que vous devez faire l’effort de vous demander : « quelle autre réponse possible n’ai-je pas encore envisagé ? » à chaque fois que vous pensez avoir résolu le problème.

Apprenez à reconnaître quand vous faites réellement vivre des histoires intéressantes à vos personnages : ce sont des questions qui les mettent en difficulté, qui les poussent à prendre du recul sur eux-mêmes, qui les invitent au changement, qui les forcent à s’engager en direction de ce qui est important pour eux et qui les contraignent à prendre des décisions.

Ne soyez pas gentil avec vos personnages

Quand vous cherchez à protéger vos personnages, à les prémunir de l’inconfort, vous les privez de la croissance que l’histoire leur offre.

Les histoires sont différentes des anecdotes parce que les personnages en sortent différents, chamboulés, transformés. On retient les histoires qui séparent un avant d’un après.

Bien sûr il y a différents niveaux d’intensité dans la transformation. Certaines histoires affectent les personnages à la marge. D’autres modifient radicalement leurs vies. Toutes, cependant, les changent.

Vous faites du remplissage quand vous ajoutez à votre récit des événements qui ne bousculent pas les personnages. Elles peuvent les bousculer de manière externe (un accident, un deuil, un licenciement, une rencontre ou une rupture…), interne (ils ressentent de l’inconfort, une émotion, une remise en question de leur identité…) ou une combinaison des deux, et à différents degrés d’intensité.

Ce qui nous intéresse ce n’est pas le côté spectaculaire du changement, c’est sa vérité. Sent-on que le personnage est vraiment touché par ce qu’il vit ? Ressent-on l’importance dans sa vie de ces événements ?

Pour mieux préparer vos histoires, commencez toujours par définir les paradoxes de vos personnages. Leurs désirs inconciliables, leurs tensions émotionnelles, leurs conflits de valeurs, sont la source la plus facilement accessible à laquelle vous pouvez nourrir vos péripéties.

Faites-le pour le protagoniste ET l’antagoniste

Souvenez-vous qu’une péripétie c’est souvent le résultat d’une action individuelle, celle du protagoniste qui bouleverse l’ordre des choses ou celle de l’antagoniste qui dérange les actions du protagoniste.

Pour trouver des péripéties « justes », c’est-à-dire qui respectent les personnages et la logique de l’univers que vous avez mis en place, changez votre point de vue. Focalisez-vous tour à tour sur la logique du protagoniste puis celle de l’antagoniste.

Pour rappel, la logique d’un personnage est celle-ci : motivation -> objectif -> action.

Ne partez pas de l’action sans savoir pourquoi les personnages agissent.

Note : distinguez votre travail du récit que vous donnerez au lecteur.

Ce n’est pas parce que vous prenez le temps de voir les choses du point de vue de différents personnages que vous devez tout dire au lecteur. C’est votre cuisine personnelle, qui résulte en actions mieux choisies et mieux racontées.

Si vous voulez en savoir plus sur la conception de personnages à partir de leur paradoxe ainsi que sur la dynamique relationnelle entre les personnages, en particulier le protagoniste et l’antagoniste, j’ai toute une formation pour vous.

Apprenez comment créer vos personnages à partir de leur paradoxe.

Si vous voulez faire l’expérience de tout le chemin de construction d’une histoire sans vous lasser, avec des péripéties qui ajoutent du sens à l’histoire sans vous donner l’impression de faire du remplissage, inscrivez-vous au stage d’écriture de nouvelles que j’organise les 9 et 10 juillet prochains.

Si vous voulez aller plus loin et développer une pratique de l’écriture durable, respectueuse de vos rythmes intérieurs et centrée sur votre perfectionnement constant, rejoignez le Mastermind.

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